« C’est la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite. » Histoire de la Troisième République (1952), Jacques Chastenet
Le Maréchal LYAUTEY (1854-1934) s’exprima ainsi lors du déclenchement de ce qui deviendra la Première Guerre mondiale. Provoquée par l’assassinat d’un archiduc de la famille des Habsburg (François-Ferdinand) et de son épouse (Sophie Chotek) le 28 juin 1914 à Sarajevo. Cette guerre va rapidement devenir européenne puis toucher l’Afrique et l’Asie, et, avec l’implication des États-Unis d’Amérique en 1917, se transformer en guerre mondiale. De l’été 1914 à novembre 1918, plus de 65 millions de soldats se sont affrontés dans un des conflits les plus meurtriers de l’histoire européenne.
Le 11 novembre est le jour choisi par la France pour commémorer l'Armistice signé en 1918 à Rotondes. Plusieurs cérémonies sont organisées à cette occasion dans toute la France en mémoire de tous les Français morts pour leur patrie. Dans le camp français, les historiens dénombrent environ 1,4 million de morts et de disparus, parmi les 10 millions de morts totaux. Ainsi que 4,9 millions de mutilés/blessés de guerre, sur les 21 millions du total.
Cet article, spécialement dédié à la Première Guerre mondiale, a pour objectif de revenir sur les causes premières de la guerre. Nous allons ainsi remonter quelques années avant le conflit pour analyser 4 éléments d’arrière-plan pouvant être à l’origine du déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’objectif est de vous apporter des clés de compréhension sur le déclenchement de celle que l’on surnomme la « Der des Der ».
Les rivalités économiques et démographiques entre les pays européens.
L'Allemagne de Bismarck craint la poussée économique et démographique de la Russie impériale dirigée par le Tsar Nicolas II. Depuis la fin du XIX° siècle, l'Empire russe connaît un rapide développement économique et industriel associé à une croissance démographique significative. Les Allemands sont inquiets et craignent de ne plus pouvoir résister à cet empire dans quelques années ; de telle sorte qu'ils ont peut-être intérêt à provoquer un conflit avant qu'il ne soit trop tard. De son côté, la France craint la poussée économique et démographique allemande. L'industrie allemande, très concentrée, inonde les marchés européens de ses productions. De plus, l'antagonisme entre la France et l'Allemagne se nourrit de la nostalgie des provinces perdues de l'Alsace et Moselle, arrachées à la France à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
2) Les rivalités coloniales entre les puissances européennes.
Entre la France et l’Allemagne, les crises se multiplient.
Les trois plus importantes sont : le « coup de Tanger », en mars 1905, lorsque pour rappeler ses prétentions sur le Maroc, l'Empereur allemand Guillaume II arrive à Tanger et rencontre le sultan marocain Moulay Abd al-Aziz. Ensuite, le « coup d’Agadir », de mars à novembre 1911, lorsque l’Allemagne envoie un navire de guerre dans les eaux du Maroc alors sous protectorat français.
Et enfin la « Convention Navale » conclue en juillet 1913 entre les pays de la Triple Alliance (Allemagne, Italie, Autriche-Hongrie) est spécifiquement destinée à couper les communications entre la France et l’Algérie.
A ces frictions, s’ajoute une crise supplémentaire le Badgadbhan (chemin de fer de Bagdad en allemand). En ces temps-là, l’Empire ottoman dépendait beaucoup des banques françaises détenant la banque impériale ottomane et l’administration de la dette publique ottomane. Le sultan Abdülhamid II cherche à échapper à cette tutelle et se tourne alors vers les banques britanniques et allemandes, pour mener à bien un projet de train qui relierait Istanbul (Turquie actuelle) à Bagdad (Irak actuel) par voie ferrée. Seulement, les banques britanniques jugent le projet trop risqué et refusent d’y participer. A cette époque, l’empire ottoman est déjà lié avec l’Allemagne par des accords militaires. A la différence de la Grande Bretagne et de la France, l’Allemagne impériale n’a pas d’intérêts coloniaux et économiques dans la région et n'apparaît pas comme une menace politique pour la Sublime Porte (nom donné au siège du pouvoir ottoman à Istanbul) qui n’hésite pas à mettre le de chemin de fer sous patronage allemand. Ainsi, la Deutsche Bank perçoit l’intérêt du projet, avec la découverte de la richesse pétrolière de la Mésopotamie sur laquelle elle obtient une concession en 1912 (23,75 % dans la Turkish Petroleum Company).
Evidemment, les Français très présents au Liban comme en Syrie, les Britanniques voient d’un très mauvais œil l’arrivée progressive de l’Allemagne dans cette région du globe. De fait, relié au réseau ferré de Berlin, le Bagdadbahn offre par son prolongement au golfe persique un point d’appui aux flottes allemandes de guerre et de commerce. La politique allemande vient ici contrecarrer les intérêts français et surtout britanniques. Le chemin de fer Berlin-Bagdad et les missions militaires allemandes au Proche-Orient sont deux aspects de la relation de plus en plus étroite entre l’Empire ottoman et les Empires centraux qui vont les conduire ensemble vers la Première Guerre mondiale.
3) Des Etats supranationaux en déliquescence (Autriche-Hongrie et Empire russe)
En 1914, dans l’Empire austro-hongrois on trouve une multitude de nationalités et donc des langues différentes et des alphabets extrêmement différents. C’est une sorte de mosaïque de peuples, unis uniquement par cet empire datant du XVIIe siècle et qui au début du XXe siècle est vermoulu de l’intérieur. Finalement, le meurtre de l’archiduc François-Ferdinand et de son épouse Sophie Chotek le 28 juin 1914 à Sarajevo démontre l’instabilité politique de cette mosaïque de nationalités qu’est l’Empire austro-hongrois : un archiduc austro-hongrois héritier au trône de l'Empire et son épouse autrichienne aussi sont assassinés par un nationaliste serbe de Bosnie-Herzégovine (Gavrilo Princip) membre du groupuscule extrémiste Jeune Bosnie.
4) Un système d’alliances censé garantir la paix
A partir de cet assassinat, un système d’alliances “censées garantir la paix” va dramatiquement s’établir durant l’été 1914. La France, la Russie et la Grande-Bretagne constituent la Triple Entente, s’opposant à la Triple Alliance composée des Empires centraux allemands et austro-hongrois et de l’Italie. Ce système censé assurer une paix aux peuples européens, engendre tout le contraire, créant ainsi une guerre mondiale.
Dans l’ordre chronologique, voici les dates clés de l’engrenage fatal de l’été 1914 :
28 juin 1914 : attentat de Sarajevo. L’Autriche-Hongrie suspecte immédiatement la Serbie, alliée de la Russie, d'en être à l’origine.
5 juillet : l'Allemagne assure Autriche-Hongrie de son soutien contre la Serbie.
23 juillet : l'Autriche-Hongrie lance un ultimatum en 10 points à la Serbie, avec date limite de réponse pour 5 jours après, le 28 juillet.
24 juillet : la Russie ordonne la mobilisation générale pour les régions militaires d'Odessa, Kiev, Kazan et Moscou, ainsi que pour les flottes de la Baltique et de la mer Noire.
25 juillet : la Serbie décrète la mobilisation générale mais déclare accepter tous les termes ultimatum, sauf celui sur l’envoi d’enquêteurs autrichiens en Serbie.
26 juillet : l’Autriche rompt ses relations diplomatiques avec la Serbie et ordonne une mobilisation partielle contre elle.
28 juillet : expiration de l’ultimatum : l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie.
L’Italie qui n’avait pas été interpellée par l'Autriche, déclare sa neutralité.
1er août : au lendemain de l’assassinat de Jean Jaurès, l’Allemagne déclare la mobilisation générale et déclare la guerre à la Russie.
2 août : la France bascule peu à peu dans la guerre, les premières affiches « d’ordre de mobilisation générale » sont visibles sur les murs de toutes les mairies de France. De surcroît, l’Allemagne envahit le Luxembourg, première invasion de la sorte en 1914.
Face à tout cela, rien ne peut aider les puissances à faire demi-tour. Faire machine arrière est impossible. La guerre est là pour quatre longues années. Seule une épidémie dévastatrice (grippe espagnole de 1917) conduira les Hommes à arrêter cette folie.
Mihai Vesa
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