top of page

La trêve de Noël : une lueur d’espoir au milieu des cratères d’obus

Mohamed Reda Frid



La guerre est un moment sanglant qui n’évoque pas forcément gaieté et bonheur. Pourtant, même

au fond des tranchées, l’humanité persiste et notre besoin de rire remplace parfois les baïonnettes et

fusils d’assaut. Durant le Moyen-âge, cette réalité était consacrée à travers la paix et la trêve de Dieu.

Elle désigne des périodes de suspension des combats durant les fêtes religieuses, notamment

l’Avent, Noël et le Carême. Organisée par l’Église catholique romaine, elle visait à pacifier la société

médiévale fortement marquée par les guerres entre seigneurs féodaux. C’est au cœur de la Première

Guerre mondiale que cette tradition renaît de ses cendres. En effet, les soldats britanniques,

allemands, français et belges, quand ils ont eu la chance de survivre, gardent un doux souvenir de

Noël 1914 au front de l’Ouest.


Épuisés par les combats qui se poursuivent depuis août 1914, les soldats des deux côtés prenaient

conscience de l’étendue des pertes humaines. Dès septembre, un front statique s’était installé et la

guerre de tranchées débutait. Toutefois, le 25 décembre, le bruit des balles et des obus ne

retentissait plus. Les chants de Noël avaient pris leur place et les soldats s’aventuraient, pour la

première fois, dans le no man’s land sans craindre la mort. Sur cette tranche de terre où nul être ne

pouvait circuler sans risquer d’essuyer les tirs de fusils, se tenaient de part et d’autre les soldats

allemands et britanniques. Ces derniers étaient, par ailleurs, les premiers à instaurer ces trêves. Elles

étaient des moments de paix temporaire au cours desquels les soldats non, les Hommes, discutaient,

partageaient des cadeaux et surtout des cigarettes. Ils jouaient même des matchs de football. Cet

épisode, profondément humain, a été d’abord immortalisé par les lettres des soldats à leur parent.

Plus récemment, la trêve de Noël a été mise à l’honneur par le film Joyeux Noël, sorti en 2005. Lire

les témoignages recueillis plus tard nous dévoile une humanité qui ne fait pas de différence entre

Boches et Poilus. Un caporal français écrivait en 1914 : « Vers le soir, c'était le 24, un Bavarois remit

une lettre que notre Capitaine conserve précieusement, elle était conçue ainsi, autant que je m'en

rappelle : "Chers Camarades, c'est demain Noël, nous voulons la paix. Vous n'êtes pas nos ennemis. Ils

sont de l'autre côté (probablement les Anglais). Nous admirons la grande Nation Française. Vive la

France, bien des salutations. Signé : les Bavarois dits les Barbares."» Il poursuit ensuite : « Tout à

coup, tout près de nous on entend chanter au son de flûtes et d'un harmonium. C'étaient les Bavarois

qui fêtaient Noël. Quelle impression ! D'un côté des chants religieux, de l'autre la fusillade, et tout ça

sous un beau clair de lune en pleins champs, tout recouverts de neige. Quand ils eurent fini nous

poussâmes des hourrah, hourrah ... »


Cependant, les Etats-Majors des belligérants n’accueillent pas ces « fraternisations » d’un bon œil. En

guise de « sanctions », les soldats étaient alors déplacés sur d’autres fronts où les combats étaient

plus rudes. De même, la presse était censurée et la trêve de Noël n’a pas été traitée par les médias,

en particulier français. Face à la montée des rumeurs, le gouvernement français a réagi en imprimant

un communiqué rappelant que la fraternisation est une trahison punissable de peine de mort. Quand

le soldat ne voit plus en l’autre un « ennemi », quelle légitimité peut revêtir une guerre aussi absurde

que le premier grand conflit mondialisé. Les obus, les baïonnettes, le gaz moutarde, les avions et les

blindés emportèrent la vie de 18,6 millions de personnes, militaires et civiles. La terre qui a accueilli

les cercueils ne différenciait pas entre Français, Allemands ou Britanniques. L’Histoire nous apprend

que la trêve de Noël a essayé, en vain, d’absoudre ces concepts et de voir l’humain au fond des

soldats. Serons-nous capables de le faire aujourd’hui ou nous contenterons-nous de répéter les

mêmes erreurs ?


Mohamed Reda Frid

3 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


Nous suivre !

  • Instagram
  • LinkedIn
bottom of page