L'art, dictat de l'idéal de beauté féminin ?

L’art est un incroyable moyen d’expression pour représenter la société, la mode et les tendances. Il reflète l’époque dans laquelle il est créé, et nous pouvons en dire autant pour les standards de beauté féminins.

La définition d’un corps « beau » a évolué selon les influences sociétales, les muses, les modèles et les artistes. L’Histoire nous fournit un bilan des idéaux que l’on demande aux femmes d’incarner. Indépendamment de la culture ou du continent, ces standards ont été façonnés presque exclusivement par des hommes. Tout au long de l’Histoire, les hommes ont dominé les médias artistiques, et les images des femmes étaient souvent des versions idéalisées qui ne représentaient que très rarement la réalité. Les normes de beauté étaient focalisées sur les préférences et les désirs masculins. Bien que la beauté soit subjective, les femmes sont imaginées et fantasmées, d’une certaine manière qui est considérée comme sans défaut, selon les époques. Toutes les cultures une certaine image de ce à quoi une femme devrait ressembler. Cela signifie que toutes les deux décennies, un nouvel ensemble de normes est imposé, et qu’une certaine apparence physique ou esthétique est exigée des femmes. Les artistes dépeignent la beauté féminine depuis 15 000 ans déjà et l’exemple le plus ancien a été retrouvé dans une peinture rupestre de Chauvet-Pont d’Arc, représentant deux personnages féminins, dont les traits sont abstraits et surtout exagérés. Dès lors, les représentations culturelles de la beauté féminine ont considérablement évolué dans le monde, tout en partageant un point commun : elles reflètent les idéaux et les normes culturelles de la société à un moment précis.

En Égypte Antique, la sexualité féminine n’était pas réprimée à cette époque, et une silhouette svelte était considérée comme l’idéal. La reine Néfertiti, représentait ainsi l’icône de beauté, une femme à envier et à désirer.

La beauté au 17ème siècle dans l’art était illustrée par des femmes aux chairs opulentes, au teint pâle et au grand front, tandis que dans les années 1990, la minceur extrême et le teint bronzé étaient encouragés et considérés comme l’apogée de beauté pour la femme. Durant des siècles, les artistes étaient obsédés par l’idée de peindre de belles femmes sur des toiles, ou de sculpter leur corps dans le marbre. Pourtant, encore aujourd’hui il y a un décalage constant entre ce que les artistes considèrent comme beau et ce que la société trouve attirant.

Les corps d’Aphrodite et de Vénus, déesse grecque et romaine de la

beauté et de la séduction, étaient sculptés avec des hanches et des cuisses larges, un ventre dodu, et un visage joufflu. De nos jours, ces corps sont susceptibles d’être blâmés, considérés comme faignants et en mauvaise santé.

Les muses constituent un parfait exemple des standards de beautés proposés par les artistes, et selon la période, leurs caractéristiques physiques varient drastiquement. A ce titre, Simonetta Vespucci, identifiée comme la première muse d’artiste, a inspiré une multitude d’hommes de la Renaissance : avec son corps voluptueux, son front proéminent, ses longs cheveux roux, sa peau pâle et ses yeux bruns. Sa reproduction la plus connue sera celle de Sandro Botticelli et son œuvre éponyme, la naissance de Vénus.

Quant à Jane Birkin, la muse de Serge Gainsbourg, cette dernière avait certes elle aussi le teint pâle, mais contrairement à Simonetta Vespucci, des joues creuses, des cheveux lisses et bruns, une silhouette maigre et de grands yeux bleu. Elle devint dans les années 1970 la femme parfaite, au corps parfait - l’objet de désir de tous les hommes.

Certaines artistes femmes, s’amusaient à défier ces idéaux ridicules, comme Frida Kahlo, qui produisait des autoportraits avec une moustache, un monosourcil, et son corps abimé par ses accidents et problèmes de santé. Évidemment, cela outrageait ceux à l’esprit traditionnel, mais elle ne prenait en compte ni leurs avis, ni les normes qui définissaient si une femme était belle ou non. Elle peignait ce qu’elle ressentait, elle peignait sa souffrance et la transformait en force. (ci contre La colonne brisée, Frida Kahlo)

Dans la majorité des peintures représentant des figures féminines, très peu d’entre-elles sont noires, où elles sont alors stéréotypées et moquées. Ce qui est paradoxal, c’est que très peu de représentations de noires sont mises en avant, alors qu’il en existe des milliers dans les collections françaises. La majorité d’entre-elles sont seulement représentées en tant que servante, ou en simples objets de fantasmes coloniaux (mineures de plus) : c’est le cas des œuvres de Paul Gauguin qui dépeint des filles de 13 et 14 ans, nues, sexualisées et stéréotypées.

Jamais plus, Paul Gauguin

Malheureusement, il existe encore aujourd’hui des standards de beauté qui peuvent s’avérer dangereux à essayer d’atteindre. Le désir d’avoir un « thigh gap » et la taille fine peut entrainer des troubles du comportement alimentaire, et par extension une mise en danger de sa propre vie. Beaucoup de femmes passent des années à refouler leur corps et complexer de leur apparence, car elles ne rentrent pas dans les normes. Peu importe l’époque, l’entièreté des femmes sera difficilement représentée dans les idéaux de beauté.

Avec l’émancipation et la liberté grandissante des femmes dans les différentes sociétés, ces dernières peuvent se réaproprier ce standard concernant leur corps, en infusant leurs propres expériences et points de vue. Elles ne veulent plus paraître belles aux yeux des hommes, mais aux yeux d’elles-mêmes, et construire une relation saine entre elles et leurs corps. Les mouvements de « body positivity » tentent tant bien que mal d’aider chacune d’entre-elles à s’accepter comme elles sont. Il existera toujours des corps « parfaits » selon les sociétés et époques, mais ces derniers ne doivent plus influencer le comportement des femmes par rapport à leur corps. Accepter et aimer le corps dans lequel on vit est une véritable force, mais un chemin long à parcourir.